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Mise en abyme : échos entre fiction et réalité

En se concentrant sur le tableau d’autel réalisé par Rubens représentant les miracles de saint Ignace, on peut pousser plus loin l’analyse des rapports entre les médiums,  considérant cette fois les échos entre la fiction de la représentation et la réalité vécue par les fidèles ou les officiants dans l’espace de l’église. En effet, les vêtements liturgiques portés par les officiants lors des célébrations devaient immanquablement résonner avec la figure de saint Ignace, que Rubens a représenté dans une chasuble dorée éclatante. Cette chasuble, faite d’étoffe de damas, soyeuse et éclatante, contribue à exalter la sainteté d’Ignace faiseur de miracles ; alors même qu’Ignace n’était pas encore canonisé et que tout l’enjeu de la commande consistait précisément à montrer le fondateur de l’Ordre comme un célébrant opérant des miracles, à savoir ici comme un exorciste guérissant des possédés. Composée du même tissu que l’étole et que l’antependium sur lequel il s’appuie et sur lequel repose le calice après la messe, cette chasuble – qui recouvre le corps du prêtre comme l’antependium supporte visuellement le corps du Christ – participe, par association visuelle, d’une sorte de sacralisation du corps d’Ignace, immobile, qui devient lui-même un alter Christus faiseur de miracles. 

Et quand on prend conscience que les vêtements portés par le prêtre répondaient à cette représentation peinte sur l’autel, on comprend comment pouvait s’opérer le transfert de sacralité entre la peinture et le célébrant, les pères jésuites s’identifiant à leur saint fondateur, représenté en chasuble et officiant sur un autel, dans un effet de mise en abyme dont Rubens avait le secret. Cet effet de mise en abyme est encore accentué par le décor du tableau qui semble faire écho, si pas prolonger, l’espace de l’église : l’espace où se tient Ignace est lui aussi terminé par une abside semi-circulaire surmontée d’un oculus, tandis que le plafond à caissons frappés de rosettes rappelle celui de l’arc triomphal séparant l’espace de la nef du chœur dans l’église.

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