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Réseau vertical : l'organisation de la nef

La distribution des images à travers l’ensemble de la nef dessine une polarité verticale (bas-haut) qui devait apparaître relativement « naturelle » pour le fidèle. Les bas-côtés (au rez-de-chaussée) et les galeries (à l’étage) décorés des plafonds peints de Rubens sont en effet distribués selon une polarité terrestre-spirituel : tandis que le niveau supérieur, consacré aux mystères du salut, déploie les épisodes bibliques de la vie du Christ et de la Vierge alternant avec des épisodes de l’Ancien Testament, le niveau inférieur est consacré au cycle hagiographique, mettant en scène les saints et les saintes du premier temps du christianisme (les docteurs grecs et latins et les Vierges martyres) ayant combattu pour la foi et/ou ayant contribué au fondement de la doctrine du christianisme. À l’étage le plus élevé donc, le plus spirituel, on trouve les récits bibliques, et à l’étage inférieur les saints et les saintes du christianisme, plus proches des fidèles. Notons à cet égard que si le niveau supérieur des galeries devait être réservé à une partie plus restreinte des fidèles (pères jésuites, élèves des collèges, membres des sodalités, archiducs, etc.), les plafonds de l’étage devaient également être visibles d’en bas par le tout-venant. 

Cette polarité haut-bas/spirituel-terrestre est encore confirmée par le décor des murs des bas-côtés. En effet, si les plafonds des bas-côtés mettent en scène les premiers saints de l’Église, et donc les saints plus éloignés, les murs sont aujourd’hui décorés de lambris datant du début du XVIIIe siècle, que l’on doit à la conception de Jean Pierre Van Baurscheit, relatant l’histoire d’Ignace et François-Xavier, des saints donc plus proches des fidèles. Aussi, à la lumière de cette polarisation verticale, ne sera-t-on pas étonné de constater qu’aux lambris du rez-de-chaussée illustrant la vie des saints Ignace et François Xavier, répond à l’étage supérieur le cycle de la vie publique du Christ et de sa Passion, le tout redoublé ultérieurement d’un chemin de croix dans la partie supérieure. 

Mais quel était le programme iconographique originel des collatéraux avant l’incendie qui ravagea la nef en 1718 ? Les vues anciennes de la nef dépeignent deux types de dispositifs. La première version du décor des collatéraux, datant des années 1620-1630, présente des confessionnaux coiffés de frontons, reliés par des lambris, le tout étant surmonté de peintures de formats variés laissant voir de vastes paysages, accueillant certainement des personnages saints, comme c’est le cas dans d’autres églises de la Compagnie. La deuxième phase du décor, visible sur les vues de l’église après 1661, présente quant à elle des confessionnaux plus profonds et sans toit les chapeautant, surmontés de tableaux représentant des saints, dans un cadre orné de volutes, guirlandes et angelots en marbre blanc et noir, accompagnés dans la partie inférieure d’une épigramme en lettre dorée. Commençant par « Corpus » suivi d’un nom, ces épigrammes indiquent le nom des saints représentés, qui sont des saints des catacombes dont l’église Saint-Ignace possédait les reliques, justement situées dans les niches derrière ces peintures. Ces niches étaient ouvertes lors de certaines festivités et permettaient de voir le reliquaire, comme en témoignent certaines vues anciennes de l’église. Les paysages ont donc certainement dû laisser la place, vers le milieu du siècle, à des niches permettant de placer des reliquaires en argent, fermées par une double porte peinte par Antoon Goubau. Les jésuites avaient en effet nourri un intérêt particulier pour les ossements des catacombes qu’ils avaient fait venir en masse dans leur sanctuaire depuis Rome. Le programme des collatéraux, centrés sur les saints des catacombes du début de l’ère chrétienne, devait alors à merveille compléter celui des plafonds de Rubens. 

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